Conduite avec les Capacités Affaiblies: La notion de Garde et Contrôle

Le cas présent constitue un exemple réel d’un dossier qui j’ai défendu avec succès.

Les Faits:

Un véhicule abandonné est découvert par un agent de sécurité dans un fossé à proximité d’un terrain de stationnement privé. Le véhicule en question était une location et avait causé des dommages sur le terrain privé.  L’agent de sécurité loge un appel à la police pour signaler l’accident matériel. Quelques minutes plus tard, mon client, la personne à qui le véhicule avait été loué, arrive sur les lieux.

Une dizaine de minutes plus tard, les policiers sont sur la scène et constatent une haleine d’alcool provenant de mon client. Ainsi, ce dernier est ordonné à se soumettre à un test ADA et souffle “Fail”. Il est donc conduit au poste de police pour effectuer l’alcotest, et le taux enregistré dépasse le 80 mg par 100 ml de sang.

Les deux chefs d’accusations auxquels mon client doit répondre sont d’avoir conduit avec les capacités affaiblies, 253(1) a) ainsi que  l’accusation d’avoir conduit avec un taux d’alcoolémie dépassant 80 mg, 253(1)b).

 Chef 1 : Conduite avec les Capacités Affaiblies.

Pour que la couronne puisse prouver la conduite avec capacités affaiblies de mon client, elle doit établir qu’il conduisait ou à titre moindre et inclusif, avait la garde et contrôle du véhicule avec les capacités affaiblies.

En l’espèce, Il n’y a aucun témoin de la couronne qui aurait vu mon client conduire, l’analyse doit donc se faire sous l’angle d’une garde et contrôle. La poursuite ne pouvant s’appuyer sur la présomption prévue à l’art 258(1) a) doit donc prouver la garde et contrôle par d’autres moyens.

Le véhicule en question, à savoir un camion Ford de location, avait été trouvé abandonné dans un fossé par l’agent de sécurité à 1h : 07. L’heure de l’accident n’est  pas établie.

Un arrêt factuellement très semblable au présent dossier est celui de R. c. Gagné 2005 CanLII 10420 (QC CQ.

Les policiers aperçoivent un accident, à savoir une fourgonnette prise dans un fossé, à 3h24. L’heure exacte de l’accident leur est inconnue. Ils remarquent une légère odeur d’alcool, les yeux injectés de sang, une légère démarche chancelante et une difficulté à s’exprimer.

Le test sanguin est prélevé à 5h47. Le rétrocalcul démontre un taux d’alcoolémie qui se situe au-delà de la limite permise (entre 166 et 196 mg / 100 ml de sang à 3h24). Le juge doit déterminer s’il existe un doute raisonnable  quant à l’heure de l’accident ainsi que de la capacité affaiblie de conduire de l’accusé, et si l’accusé avait toujours la garde et le contrôle du véhicule.

Les policiers n’ont pu, avec certitude, établir l’heure de l’accident. Au paragraphe 26, le juge mentionne que :

La présomption prévue à l’article 258(1)d) ne peut recevoir application parce que l’alinéa 258(1)d)(ii) n’a pas été respecté; de plus, il n’est pas possible d’établir le taux d’alcoolémie de l’accusé au moment de l’accident car on ne peut établir l’heure de cet accident.

Dans le cas en espèce, l’heure de l’accident survenu est inconnue.

Symptômes

En ce qui a trait aux symptômes d’ébriété, mon client en démontre très peu.

Les agents constatent une légère odeur d’alcool et les yeux vitreux. Ces seuls symptômes ne sont pas à eux seuls déterminants et ne peuvent soutenir hors de tout doute raisonnable un degré d’affaiblissement criminel de la capacité de conduire de l’accusé. (Voir page 7 de l’arrêt Gagné) À l’avantage du défendeur, la preuve indique que celui-ci parle normalement et se tient droit.

Consommation après l’accident et une consommation non compulsive avant l’événement

Par ailleurs, la preuve de la couronne n’exclue pas la possibilité de consommation après l’accident et une consommation non compulsive avant l’événement. Dans le cas en espèce, mon client arrive sur les lieux de l’accident « quelques minutes » après l’appel à la police de l’agent de sécurité.  Selon la preuve, l’arrivé sur les lieux de mon client, se situe entre 1h 07 (première observation de l’agent de sécurité) et 1h 25, l’heure de la mise en garde des policiers.

Le scénario de consommation fourni aux policiers par mon client indique 1h00 pour la fin de la consommation.

Selon l’arrêt R. c. Grosse 1996 CanLII 6643 (ON CA) C’est au « ministère public de démontrer que l’accusé n’a pas pris une consommation compulsive peu avant l’événement».

La Notion de Garde et Contrôle

 Est-ce que l’accusé avait la garde et contrôle du véhicule à l’arrivée des policiers ?

Dans l’arrêt Gagné précité, la Juge Richer a conclu que l’accusé n’avait pas la garde et contrôle, notamment en raison de l’absence de gestes posés à l’égard de l’auto par le défendeur ainsi que l’état du véhicule moteur qui « n’était plus fonctionnel, enseveli dans le fossé. Il ne représentait aucune nuisance ou danger pour la sécurité routière… »

 Dans le cas présent, le véhicule de mon client ne pouvait reprendre la route car il était pris dans le fossé. La preuve étant que le véhicule a été initialement trouvé abandonné et a dû être remorqué.

Le jugement récent de la  Cour Suprême R c. Boudreault, 2012 CSC 56  a établi  que « l’accusé peut échapper à une déclaration de culpabilité, par exemple, en présentant des éléments de preuve selon lesquels le véhicule à moteur était hors d’état de rouler, ou positionné de telle sorte qu’il n’y avait pas de circonstances raisonnablement concevables dans lesquelles il aurait pu présenter un risque de danger. »

 Chef 2 : Conduire avec un taux d’alcoolémie dépassant 80 mg

 Le premier échantillon d’haleine fut pris à 2h31 avec un taux enregistré de 103 mg, le deuxième à 2h54, à un taux de 97 mg.

L’art 258(1) c) ii)  du Code Criminel prévoit que le premier échantillon d’haleine doit être prélevé pas plus de deux heures après le moment ou l’infraction a été commise.

La jurisprudence est claire que ce délai court à partir du moment où l’infraction est alléguée avoir été commise et non pas à partir du moment où il est devenu matériellement possible de prélever l’échantillon, ce qui signifierait le moment de l’arrivé des policiers. R c. Tisseur. (1989) A.Q. no 243 (Q.L)(C.A.)

Ainsi, si aucun témoin n’a vu mon client au volant de son véhicule, n’a vu un accident ou ne sais depuis combien de temps le véhicule fut abandonné, la preuve est déficiente quant à l’heure de la commission de l’infraction et le tribunal alors sera incapable de fixer le point de départ du calcul des délais impartis.

 

 

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