Faryna c. Chorny, R c. W. (D) … une question de crédibilité

Il est plutôt rare qu’un dossier dit de “violence conjugale”  pris par voie sommaire, devienne bien au contraire, une saga judiciaire. Typiquement, ces causes présentent deux versions contradictoires au juge des faits. Celui-ci les analysera en fonction des critères établies par l’arrêt clé de la Cour supreme, R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742 .

«Premièrement, si vous croyez la déposition de l’accusé, manifestement vous devez prononcer l’acquittement.

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l’acquittement.

Troisièmement, même si vous n’avez pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l’accusé.»

C’est avec grand  soulagement que j’ai pu conclure un dossier de “versions contradictoires” après 4 ans de procédures . En première instance,le défendeur fut trouvé coupable d’un chef sur les trois portés. En appel, un nouveau  procès fut ordonné pour le seul chef qui demeure.

La Décision de la Cour Supérieure

En appel à la cour supérieure,  le juge était  d’avis que la juge de première instance avait bien expliqué les principes applicables dans l’arrêt W.(D) ainsi que la règle selon laquelle elle n’avait pas à choisir entre les deux  versions contradictoires qui se situent devant elle. Le problème, selon lui, était plutôt dans l’application de ces principes.

Le juge est  pour l’essentiel d’accord avec l’analyse de l’appelant et ajoute les éléments suivants cités ci-dessous:

« La description du témoignage de l’appelant à la page 18 et suivant du jugement semble tenir pour acquis que le témoignage de la plaignante était dans tout point fidèle aux faits. Or, les contradictions entre la version de la plaignante et les autres témoins de la poursuite, loin de comporter que de légères différences entres elles, comme dit la juge, soulèvent un doute plus que sérieux quant à la culpabilité de l’appelant. 

Exemple, la contradiction marquée entre la description de ce que la poursuite qualifie comme voies de fait, et la défense de tiraillage.

 Autre exemple, la contradiction majeure quant à la réalité des soi-disant menaces que l’appelant aurait soi-disant proféré à la plaignante et le témoin clé Monsieur V, tout en que ce dernier témoigne clairement qu’il n’a jamais été menacé.

 De plus, les nombreuses allusions au comportement de l’appelant au cours de procès font voir que la juge a accordé un poids démesuré à sa performance devant le tribunal. »

À cet égard, le juge de la cour supérieure reprends les propos du la cour d’appel de la Colombie Britannique dans Faryna c. Chorny [1951] B.C.J. No. 152 qui met en garde la juge d’instance contre le danger de décider de l’appréciation de la crédibilité selon quel témoin joue le mieux son rôle dans le box des témoins. 

Le juge conclu que ces erreurs constituent des erreurs manifestes et dominantes qui ont conduit à un verdict déraisonnable. Cependant, il n’est pas convaincu que la preuve dans son ensemble conformément à la démarche dans W.(D), ne pouvait conduire à un seul verdict raisonnable. Il ordonne ainsi un nouveau procès.

Avec égard au juge de la cour supérieure,  je suis d’avis que seul un acquittement aurait constitué un verdict raisonnable dans le cas présent. Il est difficile de concilier « un doute plus que sérieux quant à la culpabilité de l’appelant» avec les trois questions de l’arrêt W.(D) et d’en conclure autrement.

Malgré la demi-victoire à la cour supérieure, la poursuite à offert un nolle prosequi (arrêt de procédures) suite à mes arguments avançant les faibles chances de condamnation lors d’un nouveau procès.

 

 

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