Des archives : Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable

Dans un dossier que j’ai défendu en 2006 à la cour municipale de Montréal, la question en litige était de savoir si un délai de 4 ans et 7 mois relatif à l’exécution d’un mandat d’arrestation constituait une violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable comme le prévoit l’art 11b) de la charte Canadienne des droits et libertés.

Suite à la présentation de mes arguments et de la jurisprudence à l’appui, le procureur de la couronne a accepté de retirer les accusations contre ma cliente.

Voici un aperçu des décisions sur lesquelles je me suis fondé.

 (1) Caron c. R, (1995) R.J.Q. 881

Le juge Bellavance de la Cour Supérieure du Québec propose ce qui suit au paragraphe 81 du jugement :

Je suggère toutefois que dans le calcul global des délais, qu’une période maximale de 60 jours après l’émission du mandat et ce, pour une première tentative d’exécution, puisse être considérée acceptable comme délai inhérent pour l’exécution de la procédure. À mon avis, le surplus pourrait alors être considéré comme un délai institutionnel à la charge du ministère public.

(2) Imbeault c. R., J.E 91-132

«Plus le délai est long, plus il doit être difficile au tribunal de l’excuser. Il peut être impossible de justifier des délais extrêmement longs »

 Par ailleurs, au niveau du préjudice subi par l’accusé, le Juge Trottier de la Cour Supérieure du Québec mentionne « qu’il existe une présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps cause un préjudice à l’accusé. » Il ajoute que « dans les cas de délais très longs la  présomption devient  pratiquement irréfragable. »

Vous trouverez  également les jugements suivants où l’arrêt des procédures fut refusé. La cour a constaté que malgré les délais relatifs à l’exécution du mandat, le délai ne pouvait être imputable au ministère public en raison de la conduite de l’accusé.

 (3) R c. Couture, Cause no : 00CC-000716, Cour Municipale de Chambly

Le juge Pelletier fait du « distinguishing » de l’arrêt Caron. Il mentionne que contrairement à la cause dont il est saisi,  le défendeur  dans R c. Caron n’avait jamais reçu de citation à comparaître. Par conséquent il n’a jamais fait défaut d’être présent devant le tribunal avant que ne lui soit signifiée la sommation.

En l’espèce, vu l’absence du défendeur suite à une citation à comparaître, le Juge Pelletier a considérer que malgré le  « laxisme évident » de la poursuite en ce qui a trait à l’exécution du mandant (18 mois), les délais doivent néanmoins être imputable au défendeur.

(4) R c. Monasterios, J.E 91-1129

Le juge Brunton a considéré qu’un délai de 22 mois pour faire suite à une demande d’extradition des États-Unis est démesurément long, mais que ce  n’était pas manifestement déraisonnable.

While the delay on the part of the Canadian authorities in dealing with the extradition request is inoridinately long, this is nevertheless far from being one of the “clerarest of cases” in which I should exercise my discretion to grant a stay.”

 L’arrêt  R c. Askov de la Cour Suprême du Canada examine la question de la conduite de l’accusé et ce en faisant référence à l’arrêt Mills de cette même cour.

Sur cet aspect le juge Cory mentionne ce qui suit :

Le juge Lamer rappelle judicieusement dans l’arrêt Mills qu’en vertu d’un principe fondamental de notre système de justice criminelle, il incombe au ministère public de faire subir à un accusé son procès. De plus, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est un aspect de la justice fondamentale garantie en vertu de l’art. 7 de la Charte. Il s’ensuit que l’examen des actes de l’accusé ne doit en rien soustraire le ministère public à sa responsabilité de soumettre l’accusé à son procès. Néanmoins, la société a intérêt à ce que ce droit garanti ne devienne pas un moyen pour l’accusé de se soustraire à son procès. Il faut souligner que l’examen de la conduite de l’accusé doit se limiter à déterminer les cas où la conduite de l’accusé a causé directement ou indirectement le délai (comme dans l’affaire Conway), ou ceux où les actes de l’accusé révèlent le recours délibéré à une tactique qui vise à retarder le procès. Il faut évidemment distinguer ces manoeuvres directes de l’accusé, comme demander un ajournement pour trouver un nouvel avocat, des délais occasionnés par des événements sur lesquels l’accusé n’a aucun contrôle ou de la situation où l’accusé n’a rien fait pour réduire les délais imputables au ministère public.

De plus, puisque la protection des droits de la personne constitue l’objet premier de l’al. 11b), le fardeau de prouver que le délai résulte de la conduite de l’accusé incombe au ministère public. Il en est ainsi sauf lorsque l’effet du comportement de l’accusé est tel qu’on ne peut qu’en inférer l’intention de provoquer un délai.

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